L’Affaire du collier de la reine Marie-Antoinette

Revivez l’un des plus grands scandales de l’Histoire de France, l’Affaire du Collier de la Reine, qui a irrémédiablement contribué à accélérer la chute de la monarchie sous Louis XVI. Au cœur de cette intrigue fascinante, un collier de diamants d’une valeur inestimable, commandé par Louis XV aux joailliers Boehmer et Bassange, destiné initialement à Madame Du Barry, se retrouve au centre d’une extraordinaire affaire judiciaire qui a injustement éclaboussé Louis XVI et la reine Marie-Antoinette dont la réputation était déjà ternie.

Contexte historique

En 1772, Louis XV souhaite faire un cadeau à sa favorite : Madame du Barry. Il demande à deux joailliers allemands, Charles Auguste Bohemer et son associé Paul Bassanges, que l’on appelait couramment les Bohemer, de créer un collier de diamants d’une richesse inégalable.

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Madame Du Barry et Louis XV

Marchands parisiens renommés, Bohemer et Bassanges sont établis place Louis-le-Grand. Anciens joailliers de la cour de Pologne, ils comptent la cour de France et de nombreux souverains étrangers parmi leurs clients. 

Sûrs de leur coup ils financent seuls la fabrication du collier en s’endettant considérablement. Le projet prend du temps en raison de la difficulté à rassembler les diamants de la pureté voulue. Mais malheureusement pour eux Louis XV meurt en 1774 et Madame du Barry est exilée. 

Charles Auguste Boehmer et Paul Bassanges
Charles Auguste Boehmer et Paul Bassanges

La fabrication du collier est enfin achevée en 1778. 

Véritable chef-d’œuvre, ce « Grand collier en brillants » d’après son appellation officielle adopte une composition élaborée dite « en esclavage ». Un rang de 17 diamants de 5 à 8 carats forme un trois-quarts de cou qui se ferme dans le dos par des bandelettes de soie. Il soutient trois guirlandes ornée de 6 pendentifs sertis de diamants taillés en poire dans un entourage de perles fines. 

Sur les côtés, deux longs rubans de deux rangs de diamants et un rang de perles passent sur les épaules et retombent dans le dos. Les deux rubans du milieu se croisent à la naissance de la poitrine sur un diamant de 12 carats entouré de perles. Les rubans se terminent par des franges de diamants surmontées de nœuds émaillés. 

Le bijou compte au total une centaine de perles et 674 diamants d’une pureté exceptionnelle pour environ 2840 carats. 

Au moment où commence le règne de Louis XVI en 1774 la situation économique est désastreuse, les dépenses dépassent les recettes de 22 millions. Par le jeu des intérêts des emprunts et des dépenses sans justification, l’État doit 235 millions immédiatement exigibles. Au total ce sont 335 millions qui font défaut dans les caisses de la monarchie.

Au bord de la faillite et désespérés c’est dans ce contexte que les deux joailliers proposent le collier avec insistance à Marie-Antoinette pour la somme colossale de 1 600 000 livres (soit approximativement 27 513 000 €). Le goût de la reine pour les pierreries est notoire et lui vaut les réprimandes de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse.

Le collier de la reine par Bohemer et Bassanges
Le collier de la reine par Bohemer et Bassanges
Le collier de la reine par Bohemer et Bassanges

Louis XVI, lui-même excellent connaisseur, souhaite lui offrir le collier mais Marie-Antoinette refuse. Selon Madame Campan, elle déclare que l’argent serait mieux employé à la construction d’un navire alors que la France vient de s’allier aux Insurgents américains. Elle ajoute que le collier lui serait de peu d’usage car elle ne porte plus de parures de diamants que quatre à cinq fois par an. 

Enfin, ce lourd collier, qui ressemble à ceux du règne précédent, n’est pas du goût de Marie-Antoinette qui le compare à un « harnais pour chevaux ».

La-reine-Marie-Antoinette
La reine Marie-Antoinette

Après avoir essayé de placer leur collier auprès des cours européennes, celles d’Espagne, d’Angleterre, des Deux-Siciles, de Toscane ou de Russie, les joailliers tentent une nouvelle fois de le vendre à Marie-Antoinette après la naissance du dauphin Louis-Joseph en 1781. Louis XVI est près d’accepter mais la défaite des Saintes éloigne à nouveau le projet. 

L’année suivante, Böhmer se jette aux pieds de la reine en menaçant de mettre fin à ses jours. Marie-Antoinette refuse une dernière fois l’achat du collier et lui conseille de dessertir les diamants afin de revendre à bon prix les plus importants. Elle rétorque : « Ne m’en parlez donc jamais. Tachez de le vendre et ne vous noyez pas ! »

Les protagonistes

Le Cardinal Louis-René-Édouard Prince de Rohan

Louis-René-Edouard de Rohan devient chanoine à 9 ans au sein de l’évêché de Strasbourg. A 26 ans, il est consacré évêque puis prince-évêque un an plus tard. Poète et philosophe, il est élu à l’Académie Française en 1761 à 27 ans. Mais le cardinal a quelques vices ; il aime l’argent et les femmes. 

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Louis-René-Édouard, prince de Rohan

Le cardinal de Rohan est nommé ambassadeur de France à Vienne et mène une vie de débauche dépensant sans compter et exhibant ses nombreuses maîtresses. Il avait espionné le courrier entre Marie-Antoinette et sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse, ce qui lui attira la haine de la nouvelle reine de France.

Après son rappel de Vienne le cardinal est donc en disgrâce auprès de la reine Marie-Antoinette et sur les conseils de sa mère, Marie-Thérèse d’Autriche, elle l’écarte de son cercle pour ses mœurs licencieuses. Soucieux de regagner sa confiance, le cardinal est absolument prêt à tout.

Le prince Louis de Rohan est cependant nommé grand aumônier en 1777. Le grand aumônier avait un rôle symbolique comme l’ecclésiastique le plus important de la cour, le grand aumônier faisait communier le roi, célébrait les baptêmes et les mariages des princes.

Louis XVI
Louis XVI par Antoine-François Callet

Malgré l’opposition farouche de Marie-Antoinette, il devient abbé de la richissime abbaye de Saint-Waast près d’Arras puis ordonné cardinal, grâce à l’intervention du roi de Pologne.

Le cardinal ne renonce pour autant pas à sa vie passée et c’est sous cette nouvelle titulature qu’il rencontre notre deuxième protagoniste : Jeanne de Valois-Saint-Rémy. 

Jeanne de Valois-Saint-Rémy, Comtesse de La Motte

Jeanne de Valois-Saint-Rémy, lointaine descendante d’un bâtard du roi Henri II, est également connue sous le nom de comtesse de La Motte par son mariage avec Nicolas de La Motte et sous celui de comtesse de La Motte-Valois par usurpation de titulature nobiliaire.

Jeanne de Valois-Saint-Rémy, Comtesse de La Motte
Jeanne de Valois-Saint-Rémy, Comtesse de La Motte

Le mariage entre Jeanne et son mari fut un échec mais ils continuèrent à vivre ensemble. Jeanne prit un amant, Louis Marc Antoine Rétaux de Villette, un gigolo.

Son mari s’avérant très vite incapable de subvenir aux besoins du couple, la comtesse eut l’idée de s’appuyer sur son ascendance pour obtenir des avantages financiers. Fréquentant le château de Versailles où chacun, pourvu qu’il fût habillé décemment, pouvait pénétrer, elle essaya à maintes reprises de se faire présenter à la reine Marie-Antoinette. Celle-ci, prévenue de sa réputation douteuse, n’aurait jamais accepté.

Vers 1783, la protectrice de Jeanne, Madame de Boulainvilliers, la fit entrer en contact avec l’évêque de Strasbourg, le cardinal de Rohan, dont elle devint la maîtresse. Elle avait fait courir le bruit qu’elle avait les faveurs de la reine et réussit à redonner espoir au cardinal qui cherchait à retrouver la confiance de Marie-Antoinette.

Louis Marc Antoine Rétaux de Villette

Louis Marc Antoine Rétaux de Villette est né à Lyon en 1754, il est le dernier né d’une famille de petite noblesse, qui n’a pas les moyens financiers de l’établir à la hauteur de son rang social. 

Louis Marc Antoine Rétaux de Villette
Louis Marc Antoine Rétaux de Villette

On retrouve sa trace à Paris vers 1778, à l’âge de 19 ans, sous l’identité de « comte de Villette », titre qu’il usurpe à son frère aîné. Il vit alors de proxénétisme, recrutant de jeunes femmes qu’il confie aux tenanciers d’un lupanar qui le rémunèrent en contrepartie. On pense qu’il doit aussi se prostituer lui-même pour s’en sortir financièrement. C’est pendant cette période que Villette développe un talent pour la contrefaçon, en réalisant de fausses lettres de change et en exerçant du chantage sur ses clients.

Les prémices de l'affaire

Les deux joailliers dans l’impossibilité de vendre leur collier sont désespérés. En effet, à cette époque, il existe très peu de personnalités capables de leur offrir la somme demandée. 

L’histoire de ce collier extraordinaire s’ébruite au château de Versailles et arrive aux oreilles de la comtesse de La Motte-Valois alors amante du Cardinal de Rohan et du Comte de Villette toujours en quête d’un moyen de s’enrichir et de s’élever socialement.

La comtesse avait déjà mis en place un stratagème avec son deuxième amant pour soutirer de l’argent au cardinal de Rohan. 

Elle avait fait croire au cardinal qu’elle était devenue une intime de la Reine. Ce dernier en disgrâce souhaitait à tout prix retrouver ses faveurs. 

Charles Auguste Boehmer et Paul Bassanges

La comtesse de La Motte fit alors espérer au cardinal un retour en grâce auprès de la souveraine. Ayant de gros besoins d’argent, elle commença par lui soutirer au nom de la reine 60 000 livres, qu’il lui accorda tandis que la comtesse lui fournissait des fausses lettres reconnaissantes de la reine, annonçant la réconciliation espérée, tout en repoussant indéfiniment les rendez-vous successifs demandés par le cardinal pour s’en assurer.

Derrière ces fausses lettres, Louis Marc Antoine Rétaux de Villette qui, grâce à ses talents de faussaire, imite parfaitement l’écriture de la reine. Il réalise pour sa maîtresse de fausses lettres signées « Marie-Antoinette de France » (alors que la reine ne signait que Marie-Antoinette, les reines de France ne signant que de leur prénom). 

Les demandes d’argent commencent à inquiéter le cardinal de Rohan qui devient très insistant et demande à son amante de lui organiser une rencontre avec la reine. 

La comtesse se retrouve alors dans une position très délicate et sa supercherie risque d’éclater au grand jour. Mais c’est alors qu’un miracle se produit. 

Son mari officiel, le comte de la Motte avait découvert qu’une prostituée appelée Nicole Leguay, s’était forgé une réputation à cause de sa ressemblance avec Marie-Antoinette. La comtesse de La Motte la reçoit et la convainc de bien vouloir, contre une somme de 15 000 livres, jouer le rôle de la reine lors d’un rendez-vous organisé. 

La nuit du 11 août 1784, le cardinal se voit confirmer un rendez-vous au bosquet de Vénus dans le jardin de Versailles à onze heures du soir.

Là, Nicole Leguay, déguisée en Marie-Antoinette dans une robe de mousseline à pois, le visage enveloppé d’une gaze légère noire, l’accueille avec une rose et lui murmure un « Vous savez ce que cela signifie. Vous pouvez compter que le passé sera oublié ».

Avant que le cardinal ne puisse poursuivre la conversation, la comtesse de La Motte apparaît avec Rétaux de Villette avertissant que les comtesses de Provence et d’Artois, belles-sœurs de la reine, sont en train d’approcher. 

Ce contretemps, inventé abrège l’entretien. Le lendemain, le cardinal reçoit une fausse lettre de la « reine », regrettant la brièveté de la rencontre. Le cardinal est définitivement conquis, sa reconnaissance et sa confiance aveugle en la comtesse de La Motte sont inébranlables.

C’est alors que l’histoire du somptueux collier refusé par Marie Antoinette arrive aux oreilles de la comtesse. Jouant sur la réputation de passion de la reine pour les bijoux, elle va entreprendre le coup de sa vie, en escroquant cette fois le cardinal pour la somme de 1,6 million de livres.

Le déroulement de l'affaire

Le 28 décembre 1784, se présentant toujours comme une amie intime de la reine, Mme de La Motte rencontre les joailliers Boehmer et Bassenge qui lui montrent le collier de 2 840 carats de diamants qu’ils souhaitent vendre par tous les moyens. 

Elle déclare aux joailliers qu’elle va intervenir pour convaincre la reine d’acheter le bijou, mais par le biais d’un prête-nom. 

De fait, le cardinal de Rohan reçoit en janvier 1785 une nouvelle lettre, toujours signée « Marie-Antoinette de France », dans laquelle la reine lui explique que ne pouvant se permettre d’acquérir ouvertement le bijou, elle lui fait demander de lui servir d’entremetteur, s’engageant par contrat à le rembourser en versements étalés dans le temps, quatre versements de 400 000 livres.

Le cardinal demande alors conseil à son amante qui lui assure que si il accepte, la reconnaissance de la reine ne connaîtra plus de bornes, les faveurs pleuvront sur la tête du cardinal, la reine le fera nommer par le roi premier ministre. 

Le 1er février 1785, convaincu, le cardinal signe les quatre traites et se fait livrer le bijou qu’il va porter le soir même à Mme de La Motte dans un appartement qu’elle a loué à Versailles. Devant lui, elle le transmet à un prétendu valet de pied portant la livrée de la reine (qui n’est autre que Rétaux de Villette). Pour avoir favorisé cette négociation, Mme de la Motte bénéficiera même de très beaux cadeaux du joaillier.

La vente du collier

Immédiatement, les escrocs dessertissent maladroitement le collier au couteau. Jeanne charge Rétaux de Villette de vendre des fragments du collier mais ce dernier rencontre rapidement quelques ennuis. En effet, les diamants sont d’une qualité exceptionnelle et d’un poids important et la somme demandée par de Villette est dérisoire par rapport à la valeur réelle ce qui interpelle de suite les différents diamantaires. Il est arrêté les poches pleines de diamants.

Collier de la Reine par Boehmer et Bassanges
Reproduction du collier de la reine

Quelques temps après son passage chez les différents marchands, un bijoutier nommé Atlan, était venu trouver l’inspecteur de police du quartier Montmartre, Brugnières, pour lui dire qu’un dénommé Rétaux de Villette colportait des brillants chez les marchands et les juifs, les offrant à si bas prix qu’on ne voulait pas les acheter, soupçonnant un vol.

Brugnières fait une perquisition chez Retaux de Villette dans l’appartement, au cinquième, qu’il occupe rue Saint-Louis au Marais. Il l’oblige à faire une déclaration chez le commissaire du quartier. Confus, hésitant, Rétaux finit par avouer qu’il tient les diamants d’une dame de qualité, parente du roi, nommée la comtesse de Valois La Motte.

Jeanne de Valois-Saint-Rémy, Comtesse de La Motte
Jeanne de Valois-Saint-Rémy, Comtesse de La Motte

Cette dernière se rend compte que vendre les diamants à Paris est une folie et demande à son mari de se défaire en Angleterre de la majeure partie du collier, et, d’autre part, elle insiste pour que Rétaux aille vendre des brillants en Hollande.

Le comte de La Motte partit donc pour Londres en présentant les diamants comme provenants d’une boucle de ceinture, depuis longtemps dans sa famille, bijou démodé et dont il désirait se séparer. Pour brouiller les pistes et éviter de se faire repérer il décide d’adopter une stratégie différente préférant échanger les diamants contre des objets ou les faire remonter en bijoux pour les revendre.

Il entre en rapport avec les principaux bijoutiers de Londres, Robert et William Gray, associés dans New Bond Street, et Nathaniel Jefferys, joaillier dans Piccadilly. 

Le comte se présentait les mains pleines de brillants du plus grand prix. Quelques-uns, dirent les bijoutiers, étaient endommagés, comme s’ils avaient été arrachés d’une parure, par une main hâtive et maladroite, avec un couteau. C’étaient les diamants du collier. Les joailliers les reconnurent plus tard aux dessins qui leur furent transmis par les soins de Bohemer et de Bassanges.

Collier de la Reine Marie Antoinette par Boehmer et Bassanges

Cependant La Motte les offrait tellement au-dessous de leur valeur que, à leur tour, les bijoutiers anglais soupçonnèrent un larcin. Ils firent prendre des informations par l’ambassade de France, mais comme il n’était toujours question d’aucun vol de diamants, ils consentirent à négocier et ils achetèrent à La Motte des brillants pour plus de deux cent quarante mille livres; d’autres, s’élevant à une valeur de soixante mille livres, furent laissés par le comte entre leurs mains pour être montés en bijoux de diverses sortes ; d’autres enfin, représentant une somme de huit mille livres sterling, furent échangés à la hâte contre les objets les plus divers, dont nous avons la liste : un assortiment de montres avec leurs chaines, des boucles de rubis, des tabatières à miniatures, des colliers de perles, des pendants d’oreille et une bague en brillants.

Ainsi, la majeure partie du Collier fut vendue, échangée ou laissée entre les mains des bijoutiers Gray et Jefferys. 

De son côté Mme de la Motte vend des diamants à Paris, pour 36.000 livres à un joaillier. 

Collier de la Reine Marie Antoinette par Boehmer et Bassanges

Et, malgré tous ces diamants répandus de toute part, Régnier voit encore chez elle un écrin de brillants qu’il estime à 100.000 livres pour le moins, et le comte de la Motte en conserve de son côté par devers lui pour 30.000 livres

Jeanne prépare également le retour de son mari ainsi que son impressionnant changement de train de vie en annonçant à tous que son mari revenait d’Angleterre après avoir fait des gains importants aux courses.

Ce dernier revient de Londres avec des chevaux, des livrées, des carrosses, des meubles, des bronzes, des marbres, des cristaux, un luxe éblouissant. Le couple retourne s’installer à Bar sur Aube qu’ils décident de meubler avec faste, tapisseries, mobilier, bronzes, lustres en cristal. Les époux La Motte eurent même six voitures et douze chevaux.

Le comte et la comtesse donnaient fêtes sur fêtes, réceptions sur réceptions. Ils tenaient table ouverte. Le luxe dans la maison était tel que les gens du pays n’avaient jamais rien vu de pareil. Mais ils avaient tous connu la misère de Nicolas de la Motte et celle de Jeanne de Valois.

Le dénouement de l'affaire

Pendant ce temps, la première échéance est attendue par le joaillier et le cardinal pour le 1er août. Toutefois, l’artisan et le prélat s’étonnent de constater qu’en attendant, la reine ne porte pas le collier. Mme de La Motte les assure qu’une grande occasion ne s’est pas encore présentée et que, d’ici là, si on leur parle du collier, ils doivent répondre qu’il a été vendu au sultan de Constantinople.

En juillet cependant, la première échéance approchant, le moment est venu pour la comtesse de gagner du temps. Elle demande au cardinal de trouver des prêteurs pour aider la reine à rembourser. Elle aurait, en effet, du mal à trouver les 400 000 livres qu’elle doit à cette échéance. 

Mais ce sont les deux bijoutiers qui vont précipiter le dénouement. Ayant eu vent des difficultés de paiement qui s’annoncent, ils se rendent directement chez la première femme de chambre de Marie-Antoinette, Mme Campan, et évoque l’affaire avec elle. 

Charles Auguste Boehmer et Paul Bassanges
Charles Auguste Boehmer et Paul Bassanges

Celle-ci tombe des nues et naturellement va immédiatement rapporter à la reine son entretien avec Boehmer. Marie-Antoinette, pour qui l’affaire est incompréhensible, charge le baron de Breteuil, ministre de la Maison du Roi, de tirer les choses au clair. Le baron de Breteuil est un ennemi du cardinal de Rohan, ayant notamment convoité en vain son poste d’ambassadeur à Vienne. Découvrant l’escroquerie dans laquelle le cardinal est impliqué, il compte bien lui donner toute la publicité possible pour lui nuire.

La comtesse, sentant les soupçons, s’est entre-temps arrangée pour procurer au cardinal un premier versement de 35 000 livres, grâce aux 300 000 livres qu’elle a reçues pour la vente du collier, et dont elle s’est déjà servie pour s’acheter une gentilhommière.

Mais ce versement, d’ailleurs dérisoire, est désormais inutile. Parallèlement, la comtesse informe les joailliers que la prétendue signature de la reine est un faux afin de faire peur au cardinal de Rohan et l’obliger à régler lui-même la facture par crainte du scandale.

Le roi est prévenu de l’escroquerie le 14 août 1785. Le 15 août, alors que le cardinal — qui est également grand-aumônier de France — s’apprête à célébrer en grande pompe la messe de l’Assomption dans la chapelle du château de Versailles, il est convoqué dans les appartements du roi en présence de la reine, du garde des sceaux Miromesnil et du ministre de la Maison du Roi Breteuil.

Il se voit sommé d’expliquer le dossier constitué contre lui. Le prélat comprend qu’il a été berné depuis le début par la comtesse de La Motte. Sur le coup, il ne peut s’expliquer. Le roi lui prête son bureau afin qu’il prépare sa défense et ses arguments. Pendant ce temps, Marie-Antoinette, très en colère et impulsive, sans penser aucunement aux conséquences, demande à Louis XVI d’envoyer le cardinal de Rohan le soir même à la Bastille. Rohan, revenu avec son « écrit », commence à subir les questions du roi. « Avez-vous le collier ? », lui demande-t-il. Stupéfait, Rohan répond non en regardant la Reine qui se détourne dédaigneusement. La reine ajoute : « Et comment avez-vous pu croire que moi, qui ne vous ai pas adressé la parole depuis dix ans, j’aurais pu m’adresser à vous pour une affaire de cette nature ? ».

Le cardinal tente de s’expliquer. « Mon cousin, je vous préviens que vous allez être arrêté », lui dit le roi. Le cardinal supplie le roi de lui épargner cette humiliation, il invoque la dignité de l’Église, le nom des Rohan, le souvenir de sa cousine la comtesse de Marsan qui a élevé Louis XVI. Le roi hésite mais devant la pression de Marie-Antoinette à ses côtés, le roi se retourne vers lui : « Je fais ce que je dois, en tant que roi, et en tant que mari. Sortez ». Au sortir des appartements du roi, il est arrêté dans la galerie des Glaces, au milieu des courtisans médusés.

Alors que la Cour est sous le choc, il demande à un ecclésiastique s’il a du papier et un crayon, puis d’aller trouver son grand Vicaire pour lui remettre cette missive écrite à la hâte, afin que ce dernier brûle les lettres que Marie-Antoinette lui aurait fait parvenir. Par cette extraordinaire arrestation, car le nom de Rohan est de grande noblesse, la cour est scandalisée mais Marie-Antoinette est persuadée d’être couverte d’éloges. Cependant, le soir même, devant la froideur de la cour à son égard (également la gêne de ses amies), elle sent toutefois « confusément » qu’elle vient de commettre une erreur qui lui coutera très cher. 

Le cardinal est emprisonné à la Bastille. Il commence immédiatement à rembourser les sommes dues, en vendant ses biens propres, dont son château de Coupvray. Jusqu’en 1881, les descendants de ses héritiers continueront de rembourser les descendants du joaillier. 

La comtesse de La Motte est arrêtée, son mari s’enfuit à Londres où il bénéficie du droit d’asile avec les derniers diamants, Rétaux de Villette étant déjà en Suisse. Puis c’est au tour de Nicole Leguay d’être arrêtée, à Bruxelles, avec son amant dont elle est enceinte.

Le procès

Le 22 mai 1786, le procès public s’ouvre devant les 64 magistrats et la Grand-chambre du Parlement

Le cardinal de Rohan choisit comme avocat Jean-Baptiste Target dont la plaidoirie retentissante le rendra célèbre et lui permettra d’être élu, moins de 3 ans plus tard, député de Paris du tiers-état.

Le 30 mai 1786, le parlement rend son verdict, face à une presse qui se déchaîne. Le cardinal est acquitté (aussi bien pour l’escroquerie que pour le crime de lèse-majesté envers la reine.

Cardinal-de-Rohan

La comtesse de La Motte, elle, est condamnée à la prison à perpétuité à la Salpêtrière, après avoir été fouettée et marquée au fer rouge.

Son mari est condamné aux galères à perpétuité par contumace, et Rétaux de Villette est banni du royaume.

La reine, désormais consciente que son image s’est dégradée auprès de l’opinion, obtient donc du roi qu’il exile le cardinal de Rohan à l’abbaye de la Chaise-Dieu, après l’avoir démis de son poste de grand aumônier. On entendit dans Paris « le Parlement l’ayant purgé, le roi l’envoya à la chaise ». Ce n’est qu’au bout de trois ans, le 17 mars 1788, que le roi l’autorisera à retrouver son diocèse de Strasbourg.

Bien que Marie-Antoinette ait été étrangère à toute l’affaire, l’opinion publique ne voulut pas croire à l’innocence de la reine. Accusée depuis longtemps de participer, par ses dépenses excessives, au déficit du budget du royaume, elle subit à cette occasion une avalanche de critiques sans précédent à travers des pamphlets dans lesquels « l’Autrichienne » (ou « l’autre chienne ») se faisait offrir des diamants pour prix de ses amours avec le cardinal.

Mme de la Motte qui a nié toute implication dans l’affaire, reconnaissant seulement être la maîtresse du cardinal, parvient à s’évader de la Salpêtrière et publie à Londres un récit dans lequel elle raconte sa liaison avec Marie-Antoinette, la complicité de celle-ci depuis le début de l’affaire et jusqu’à son intervention dans l’évasion.

Conclusion

Par le discrédit qu’il jeta sur la Cour dans une opinion déjà très hostile et le renforcement du Parlement de Paris, ce scandale aura pour certains directement sa part de responsabilité dans le déclenchement de la Révolution française quatre ans plus tard et dans la chute de la royauté. 

Goethe écrit : « Ces intrigues détruisirent la dignité royale. Aussi l’histoire du collier forme-t-elle la préface immédiate de la Révolution. Elle en est le fondement… »

Pour ce qui est des diamants on ne sait pas à ce jour ce qu’ils sont devenus ils ont probablement été remontés sur d’autres bijoux tels que ce collier qui sera proposé à la vente par Sotheby’s et dispersés à travers le monde.  

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