Véritable icône du XXe siècle, Barbara Hutton, surnommée la « Million Dollar Baby », est devenue célèbre non seulement pour sa fortune colossale mais aussi pour sa collection de bijoux spectaculaires. Ses parures, témoins d’un style de vie fastueux, continuent de fasciner les amateurs d’histoire et de joaillerie. Barbara Hutton a toujours nourri une fascination pour les bijoux empreints d’histoire. Son goût pour les pièces rares et précieuses, souvent associées à des figures royales ou à des événements marquants, reflète son désir d’entrelacer son propre destin à celui des grands récits du passé. Découvrez dans cet article, une sélection de huit bijoux ayant appartenus à la “Million Dollar Baby”.
Barbara Hutton : the Poor Little Rich Girl
Née en 1912, Barbara Hutton grandit dans un monde d’opulence, son grand-père maternel, Frank W. Woolworth, avait fondé la célèbre chaîne de magasins Woolworth’s, véritable institution du commerce de détail au XXᵉ siècle. Du côté paternel, son père, Franklyn Laws Hutton, était un banquier prospère, cofondateur de l’influente société EF Hutton. De plus, Barbara était la nièce de Marjorie Merriweather Post, héritière de General Foods (qui était une grande collectionneuse de bijoux également) et cousine de Dina Merrill, l’une des femmes les plus riches de son temps. Mais son enfance fut assombrie par une tragédie familiale. À seulement six ans, elle découvre le corps sans vie de sa mère, Edna, dans ce qui est généralement considéré comme un suicide. Ce traumatisme marqua profondément la jeune Barbara, qui fut ensuite confiée à différents membres de sa famille, malgré l’immense richesse des Woolworth.
Pour ses 18 ans, en pleine Grande Dépression, une fête somptueuse fut organisée en son honneur, avec un coût équivalant à un million de dollars actuels. Cet étalage de luxe provoqua l’indignation générale et attira une attention médiatique intense. Cet événement marqua le début d’une relation tumultueuse entre Barbara et la presse, qui ne cessa dès lors de suivre ses moindres faits et gestes.
À 21 ans, Barbara Hutton hérite près de 50 millions de dollars, une somme colossale équivalente à 898 millions aujourd’hui. Contrairement à l’esprit entrepreneurial de son grand-père Frank Woolworth, elle dépensait son argent sans retenue, menant une vie d’extravagances. Barbara s’offrait les plus belles maisons, les vêtements les plus luxueux et pourtant, ce qu’elle semblait rechercher désespérément – l’amour et la stabilité – échappait toujours à son portefeuille. Mariée et divorcée sept fois, elle espérait à chaque union combler un vide émotionnel profond. Parmi ses époux un baron, trois princes, un comte, l’acteur Cary Grant et un playboy international. La plupart de ces hommes profitaient de sa fortune, dépensant sans compter avant de repartir avec des millions de dollars suite au divorce. Son mariage avec Cary Grant, marqué par des dépenses excessives, leur valut le surnom de « Cash and Cary ». Cette quête effrénée de bonheur, ponctuée de mariages ratés et de dépenses inconsidérées, finit par alimenter l’indignation et la fascination du public.
Barbara était déconnectée des réalités économiques et sociales qui avaient permis à sa famille de bâtir une telle fortune. Son style de vie ostentatoire finit par ternir l’image de la chaîne Woolworth, au point de provoquer des boycotts et des grèves. Plongée dans une spirale autodestructrice de drogue et d’alcool, Barbara dilapida les derniers vestiges de sa fortune pour s’attirer l’affection des autres. En fin de compte, elle dut vendre ses propriétés et ses biens précieux pour survivre. À sa mort, à 66 ans, elle ne possédait plus que 3 500 dollars.
Barbara Hutton : une passion pour les bijoux
Barbara Hutton, malgré ses mariages tumultueux, ses divorces et ses dépenses extravagantes, trouvait un certain refuge dans sa passion pour les bijoux et les pièces historiques. Plus que de simples ornements, ces trésors reflétaient son désir de beauté et sa quête d’identité, tout en affirmant son statut social et son pouvoir. Parmi les pièces emblématiques de sa collection figurent un collier de perles ayant appartenu à Marie-Antoinette et un somptueux collier de jade. Ces bijoux, vendus aux enchères après sa mort, continuent de fasciner, témoins d’une vie à la fois opulente et tourmentée.
1. La bague diamant "Pasha of Egypt" de Barbara Hutton
Ce diamant octogonal de 40 carats tire son nom d’Ibrahim Pacha, vice-roi d’Égypte sous l’Empire ottoman, qui l’a acquis pour la somme impressionnante de 28 000 livres sterling. Considéré comme le plus beau joyau du Trésor égyptien à l’époque d’Ibrahim Pacha, il symbolisait le faste et le pouvoir de l’Égypte ottomane. Après Ibrahim, le diamant a traversé une période de bouleversements sous Ismaïl Pacha, qui monta sur le trône en 1863. Malgré une ère de modernisation économique, Ismaïl accumula une dette colossale de 100 millions de livres sterling. Contraint à l’exil en 1879 après sa destitution par le sultan ottoman, il emporta une quantité importante de trésors, dont le “Pasha of Egypt” selon la légende. C’est en 1933 que le “Pasha of Egypt” refait surface, proposé par la maison londonienne T.M. Sutton à Cartier, l’un des plus grands joailliers de l’époque. Peu de temps après, le diamant retourne en Égypte, acquis par le roi Farouk. Cependant, le souverain s’en sépare rapidement, et la gemme passe entre les mains du célèbre joaillier italien Bulgari, qui la vend finalement à Barbara Hutton.
2. Le célèbre diadème d'émeraudes de Barbara Hutton
Ce diadème, conçu par Lucien Lachassagne pour Cartier, se distingue par sa double fonctionnalité puisqu’il peut également être porté comme un collier. Les émeraudes qui le composent ont une provenance historique prestigieuse car elles appartenaient autrefois à Maria Pavlovna de Russie, épouse du grand duc Vladimir Alexandrovitch de Russie. Après la chute de la Russie Impériale, Marie fuit d’abord en Sibérie avant de s’exiler en France via Venise. Elle devient en 1920 la dernière membre de la royauté russe à quitter le pays. Avant son départ, ses bijoux sont discrètement extraits du palais Vladimir et lui sont restitués en exil.
En 1920, après le décès de la Grande-Duchesse, les pierres furent héritées par son fils, le grand-duc Boris Vladimirovitch, qui les vendit à Cartier. Dans les années 1930, ces émeraudes intégrèrent un nouveau collier vendu à Edith Rockefeller McCormick, avant d’être rachetées une nouvelle fois par Cartier en 1932. En 1936, Barbara Hutton acquit ces émeraudes et les porta d’abord sous forme de bague, de collier et de boucles d’oreilles, avant de les faire sertir dans ce diadème iconique.
Barbara Hutton in her Tangier's palace ©Cecil Beaton
A closer look on the emerald tiara ©Cecil Beaton
3. Le collier de perles de Marie-Antoinette
Ce collier de perles ayant appartenu à Marie-Antoinette est une pièce entourée de mystère. Transmis au fil des générations royales, il aurait appartenu initialement à Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, avant d’être hérité par Marie-Thérèse d’Espagne, puis par Maria Leszczynska, et enfin par Marie-Antoinette. Les circonstances de la disparition du collier après la Révolution française restent incertaines. Il aurait pu être confié par Marie-Antoinette à des proches avant son incarcération, volé lors du pillage du Garde-Meuble en 1792, ou vendu plus tard lors des enchères des joyaux de la couronne en 1887. Ces ventes, orchestrées sous la IIIe République, permirent à des maisons comme Tiffany & Co. de New York d’acquérir des pièces emblématiques. Le collier pourrait avoir suivi un parcours similaire, rejoignant ensuite les collections privées de figures comme Barbara Hutton.
4. Le collier de jade
Le collier de jade de Barbara Hutton, offert par son père à l’occasion de son mariage avec le prince Alexis Mdivani en 1933, incarne l’élégance intemporelle et la fascination pour les trésors de l’Orient. Composé de 27 perles de jadeite parfaitement sculptées, probablement taillées au XVIIIe siècle, ce bijou exceptionnel était à l’origine agrémenté d’un fermoir signé Cartier, serti d’un diamant navette. Un an plus tard, Barbara fit remplacer ce fermoir par une version en or jaune ornée de rubis calibrés et de diamants baguette, toujours réalisée par Cartier. En 2014 le collier a été vendu pour $27.44 millions par Sotheby’s ce qui en fait le bijou en jade le plus cher du monde.
Barbara Hutton and the jade necklace
The necklace was sold for $27.44 million at the "Magnificent jewels & jadeite" sale by Sotheby's
A closer look on the jade necklace clasp set with rubies and diamonds
5 & 6. Bracelet et broche par Van Cleef & Arpels
Deux bijoux intéressants réalisés par la Maison Van Cleef & Arpels dont un bracelet “Ludo” en platine et diamants et un clip “Fée ailée” en platine, rubis, émeraudes et diamants pour la comtesse Haugwitz-Reventlow plus connue sous le nom de Barbara Hutton.
Ludo bricks bracelet, 1935, Platinum, diamonds, in the former collection of the Countess Haugwitz-Reventlow, better known as Barbara Hutton ©Van Cleef & Arpels Collection
Small winged fairy clip, 1941, Platinum, rubies, emeralds, diamonds, in the former collection of countess Haugwitz-Reventlow, better known as Barbara Hutton ©Van Cleef & Arpels Collection
Drawing featuring the small winged fairy clip & product card of the Ludo bracelet ©Van Cleef & Arpels Collection
7. Bague cristal et diamants par Cartier
En 1935, alors qu’elle séjournait en Égypte près des majestueuses pyramides de Gizeh, Barbara Hutton a offert un cadeau exceptionnel à sa physiothérapeute suédoise, Karin Gustafson. Ce bijou, une bague Cartier taillée dans un seul cristal de roche et couronnée d’une monture en platine sertie de diamants date des années 1920-1930. Cette pièce témoigne non seulement du gout de Barbara Hutton, mais aussi de sa générosité, une qualité souvent mise en lumière par ceux qui l’ont côtoyée.
8. Collier de rubis "Papyrus"
Le collier de rubis et diamants de Barbara Hutton, souvent appelé le “papyrus necklace”, occupe une place de choix. Découvert lors d’une exposition privée organisée par Van Cleef & Arpels à Genève, le collier refit surface dans une boîte siglée de la maison, apporté par un propriétaire anonyme. Ce fut une révélation. Il est souvent attribué à un joaillier anonyme des années 1940, avec des modifications apportées par Van Cleef & Arpels dans les années 1970. Cependant, l’histoire du collier est bien plus complexe. L’original, réalisé par Chaumet dans les années 1910, fut conçu pour la mère de Barbara Hutton. Une rumeur persistante prétend qu’il aurait appartenu auparavant à la reine Amélie du Portugal. Cependant, aucune preuve documentaire – ni photo, ni inventaire – ne confirme cette provenance. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que Barbara Hutton le porta fréquemment dans les années 1930, avant qu’il ne soit entièrement remanié pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1940, une lettre de Louis Arpels dans les archives de Van Cleef & Arpels à Genève révèle les détails de cette transformation : « Barbara souhaite que ses rubis soient montés dans un nouveau cadre en or jaune. » Cette commande spéciale fut réalisée par l’atelier américain de la maison.
Ruby "Papyrus" necklace
Ruby "Papyrus" necklace