Millicent Rogers, icône intemporelle de l’élégance et figure incontournable du XXe siècle, a marqué le monde de la mode et de la joaillerie par son style inimitable et sa personnalité avant-gardiste. Sa vie fascinante, marquée par son audace et son goût pour les bijoux, ont fait d’elle une véritable icône. Maîtresse dans l’art de les assortir à ses tenues, elle utilisait chaque pièce comme une extension de sa personnalité.
Millicent Rogers : Une existence hors du commun au cœur de la haute société
Millicent Rogers, née en 1902 à New York, était l’arrière-petite-fille de Henry Huttleston Rogers, cofondateur de Standard Oil. Enfant, elle a grandi dans un cadre privilégié, entourée de richesses et d’opportunités, mais sa santé fragile en raison d’un rhumatisme articulaire aigu ainsi qu’un coeur très faible a marqué son enfance. Ces défis ont contribué à forger son caractère déterminé et son imagination créative.
Sous la supervision attentive de ses parents, Millicent reçoit une éducation soignée à domicile qui révèle rapidement ses dons exceptionnels. Elle apprend à lire et écrire précocement, surpassant de loin les attentes pour son âge, et développe un talent remarquable pour les langues. Cette aptitude est partagée par son frère cadet Harry, de deux ans son jeune, avec qui elle entretient une complicité particulière. Ensemble, ils adoptent le latin comme langue secrète, un code ingénieux qui leur permet de discuter librement sans que leurs parents ne comprennent leurs propos.
À 17 ans, Millicent est plongée dans l’effervescence de l’après-guerre, où elle devient une figure très recherchée lors des soirées dansantes et des dîners mondains qui précèdent sa présentation officielle dans la haute société. Dès ses premières apparitions publiques, son charme et son style audacieux attirent immédiatement l’attention des médias, annonçant une exposition médiatique qui ne fera que croître. Lors d’un bal de fantaisie organisé par ses parents à Black Point, Millicent se distingue dans une robe scintillante avec une grande traîne et une coiffe. Cette apparition attire un photographe de Harper’s Bazaar, qui la photographie pour le magazine, la propulsant sur le devant de la scène. Des articles de mode sur elle apparaissent dans le Washington Post et d’autres journaux, avec une photo pleine page dans Town & Country.
Millicent représente parfaitement les nouvelles libertés et les tendances émergentes de son époque, attirant l’attention où qu’elle aille. Lorsqu’elle croise le chemin du jeune Edward, prince de Galles, lors de sa tournée américaine en 1919. Le prince, fasciné par cette beauté envoûtante, suscite une véritable effervescence médiatique. Cependant, leur romance prendra fin lorsque le prince retournera en Angleterre, avant d’abandonner la couronne pour l’amour d’une autre Américaine, une histoire qui fera les gros titres du monde entier
La famille Rogers voyage beaucoup à travers l’Europe. Enthousiaste et cultivée, elle s’immerge dans l’histoire et les cultures des lieux visités. En Italie, à 18 ans, elle fait la rencontre du duc d’Aoste, héritier du trône d’Italie, qui la demande en mariage. Cependant, cette romance est désapprouvée par le père de Millicent et Mussolini, mettant un terme à leur relation.
Ce sont possiblement ces amours impossibles qui pousseront la jeune Millicent à fuguer en janvier 1924 avec le comte Ludwig von Salm-Hoogstraeten, un aristocrate autrichien. Ce dernier, connu pour ses talents de danseur et de tennisman est perçu comme un mauvais parti pour Millicent par ses parents. Le comte, dont la fortune a été fortement affectée par la Première Guerre mondiale, envisageait apparemment d’épouser une femme riche. Le père de Millicent parvient cependant à intervenir en lui coupant les vivres. Le mariage sera annulé quelques mois plus tard en faisant la une des journaux. Le couple entre temps aura un enfant, Peter Salm.
Après son retour aux États-Unis, Millicent s’investit dans des actions philanthropiques tout en continuant à organiser des fêtes à Southampton pour faciliter son adaptation. Elle soutient des institutions locales comme l’hôpital de Southampton, où elle participe à des collectes de fonds. Millicent suscite rapidement des rumeurs autour de sa vie amoureuse, notamment avec l’Argentin Arturo Peralta-Ramos. Leur histoire d’amour se concrétise par un mariage intime en 1931, suivi de leur installation en Argentine où Millicent connaît un épanouissement personnel. Leur mariage dure huit ans et donne naissance à deux enfants, mais se termine en divorce.
Millicent se remarie en 1936 avec Ronald Balcom, un courtier en bourse. Le couple s’installe en Autriche, où elle se fait connaître pour son style vestimentaire unique. En 1939, la famille retourne aux États-Unis, et Millicent se consacre à des œuvres de charité pendant la guerre. Elle achète le manoir de Claremont en Virginie, où elle soutient la réadaptation des pilotes de la marine.
Après la guerre, elle s’installe à Hollywood et vit une aventure avec Clark Gable. Puis, en 1947, elle découvre Taos, au Nouveau-Mexique, où elle trouve son plus grand épanouissement créatif. Elle s’inspire de l’art amérindien pour concevoir des bijoux sculpturaux et devient une collectionneuse passionnée d’objets d’art Pueblo. Millicent meurt en 1953 à l’âge de 50 ans, laissant derrière elle une forte influence dans le monde de l’art et de la mode, ainsi qu’un musée dédié à sa vie et sa collection à Taos.
Une passion pour la mode et les bijoux
Au fil des ans, Millicent Rogers a non seulement collectionné des pièces emblématiques, mais elle a également su les porter et les associer avec un style inégalé. Ses bijoux, souvent audacieux et innovants, reflétaient sa capacité à dépasser les conventions tout en restant profondément élégante.
Plus tard, son déménagement au Nouveau-Mexique a marqué une transformation dans son style. Elle y découvrit les bijoux amérindiens, mêlant turquoise et diamants dans un esprit bohème-chic qui devint rapidement sa signature. À travers son activisme, elle milita pour la préservation de la culture amérindienne, un engagement qui s’étendait bien au-delà de son amour pour leurs bijoux.
Millicent Rogers voyait les bijoux comme une extension de son identité. Sa collection comprenait des créations signées par les plus grandes maisons, telles que René Boivin, Paul Flato ou encore Suzanne Belperron. Elle était également reconnue pour son flair inégalé, choisissant des pièces qui mêlaient originalité et excellence artisanale.
Femme de contradictions, elle combinait des pièces amérindiennes en turquoise et argent avec des bijoux ornés de diamants et de rubis, incarnant ainsi une esthétique éclectique et novatrice.
Trois bijoux iconiques de Millicent Rogers
Millicent Rogers incarnait un style audacieux et une sensibilité artistique uniques, exprimés à travers sa collection de bijoux. Parmi ses pièces les plus iconiques figurent trois broches exceptionnelles. Ces créations reflètent son amour pour le design avant-gardiste, sa passion pour les symboles chargés de sens et son désir d’affirmer une esthétique personnelle hors des conventions.
1. La broche "Verbum Carro" de Fulco di Verdura pour Paul Flato
Créée dans les années 1930, cette broche est l’une des pièces les plus remarquables de la collection de Millicent Rogers. Dessinée par Fulco di Verdura pour le célèbre joaillier Paul Flato, elle est sertie de rubis, de saphirs et de diamants jaunes et porte l’inscription latine Verbum Carro (« un mot au sage suffit »). Ce bijou reflète le goût raffiné de Millicent Rogers pour des pièces alliant symbolisme et modernité elle l’arborait souvent lors d’événements mondains, marquant ainsi son style audacieux.
Cependant, la signification de cette inscription pourrait aussi avoir une résonance plus personnelle pour Millicent, souvent confrontée à des épreuves liées à sa santé, notamment des problèmes cardiaques chroniques. La broche, avec son message discret mais puissant, pourrait avoir été pour elle un clin d’œil à ces défis, une manière subtile d’afficher sa résilience et son esprit.
2. La broche "étoile de mer" de René Boivin
Parmi les bijoux les plus iconiques de Millicent Rogers figure la célèbre broche “étoile de mer” de René Boivin. Réalisée en 1936, cette création en rubis et diamants a été conçue par Juliette Moutard, inspirée par les formes organiques et sculpturales de la nature.
Millicent Rogers a acquis l’une des premières versions de cette broche, devenue un symbole de l’avant-garde joaillière. L’utilisation tridimensionnelle des pierres et le design audacieux ont révolutionné les conventions esthétiques de l’époque.
Aujourd’hui, la première version de cette broche est exposée au Museum of Fine Arts de Boston, témoignant de son importance historique et artistique. Pour Millicent, cette pièce représentait non seulement son goût pour l’unique, mais aussi son désir d’afficher un style qui transcendait les tendances de la mode.
3. La broche florale en rubis et diamants de René Boivin
Signée René Boivin, cette broche tridimensionnelle est une célébration de la nature, un thème récurrent dans l’œuvre de la maison. Créée dans les années 1930, elle met en avant des rubis éclatants qui composent les pétales et des diamants qui accentuent l’éclat de la pièce.
Ce bijou est un exemple parfait de l’audace et de la féminité de Boivin qui collaborait notamment avec des créatrices de génie telles que Juliette Moutard ou Suzanne Belperron. La broche reflète l’élégance intemporelle qui a séduit Millicent Rogers.
Avec son œil aiguisé pour l’art et son amour des bijoux exceptionnels, Millicent Rogers a choisi cette broche comme symbole de sa passion pour les designs audacieux. En effet, ce bijou n’était pas seulement un ornement, mais un véritable reflet de sa personnalité et de son esprit visionnaire.