Le métier d’expert en bijoux est en “vogue” depuis quelques années, cet engouement s’explique notamment grâce aux bons résultats obtenus par les Maison de ventes aux enchères. Mais qu’est-ce qu’un bon expert ? Nous sommes allés poser cette question à Olivier Baroin expert en bijoux reconnu et spécialiste de Suzanne Belperron.
Pourriez vous nous expliquer ce qu’est pour vous un expert en bijoux ?
“J’ai envie de vous dire qu’on apprend pas à être expert, on devient expert. A force de voir, de comprendre et d’analyser les pièces on fini par lire à travers. J’entends par là qu’un expert est forcément très pointu parce que c’est très compliqué d’être expert généraliste.
Aujourd’hui, tout le monde est expert, ils ont 25 ans, ils sortent d’école, on se demande comment ils ont fait pour devenir expert. Mais être expert c’est d’abord un bon parcours à travers les écrits mais surtout un parcours de terrain. Pour ma part j’ai appris pendant 25 ans à fabriquer des pièces, à les réparer, à voir comment elles étaient montées, à voir comment les techniques évoluaient au fil du temps, il est nécessaire de comprendre l’artiste. Si je prends l’exemple de Suzanne Belperron, elle a toujours la même façon de travailler, d’envisager les pièces, des alliances de couleurs”.
Comment devenir expert aujourd’hui ?
“Je pense qu’il faut d’abord être passionné et qu’il ne faut pas se contenter d’avoir lu des ouvrages, il faut avoir un contact avec les pièces. Il faut de très nombreuses années pour pouvoir prétendre être expert en quoi que ce soit. Après il y a la gemmologie, qui est le coté technique, et cela s’apprend. Une fois de plus il faut voir énormément de pierres pour pouvoir être expert.
En résumé, pour être expert, il faut parfaitement connaitre son sujet”.
Il y a donc un aspect pratique, plus important que la théorie ?
“La théorie apprend à travailler, mais après il faut travailler pour apprendre à être expert. Et là où l’on brule les étapes aujourd’hui c’est qu’à peine sorti avec un diplôme on s’empresse de mettre une enseigne d’expert et c’est assez énervant pour ceux qui estiment faire leur métier correctement.
Pour illustrer le principe, je travaille actuellement avec Thomas Torroni-Levene et il passe la plus grande partie de son temps à travailler sur les archives Boivin, c’est un passionné. Les plus grands experts sont des passionnés”.
Comment se déroulent vos expertises sur les bijoux de Madame Belperron ?
“Je vais prendre l’exemple d’une bague qui passe prochainement en salle des ventes, la propriétaire m’écrit en me demandant de lui faire un certificat. Alors nous avons regardé dans les archives, et la bague avait en effet été commandée en 1938 mais cassée et refaite en 1952 et cela change beaucoup de choses. Il faut toujours retourner dans les archives pour vérifier. Et lorsque je délivre un certificat je ramène un plâtre, un extrait d’archives ou une cire, c’est le petit élément probant qui permet de rassurer l’acheteur.
Autre exemple, pour un bracelet, une pièce moderne fabriquée récemment. Quand on met Suzanne Belperron 1945, il faut savoir qu’elle délivrait de ses yeux les pièces qu’elle avait validées et pour moi, un bijoux de Madame Belperron c’est obligatoirement quelque chose qu’elle a délivré elle-même, c’est imparable et on retrouve forcément une trace dans les archives.
C’est très facile de faire la différence entre une pièce neuve et une pièce ancienne, c’est deux mondes complètement différents. Aujourd’hui presque tout est fait en CAO. Et quand je vois passer des pièces Belperron rééditées en CAO ça n’a rien à voir, ça n’en a ni l’âme, ni l’aspect. Vous avez d’un coté une pièce qui a été conçue par une femme pour un client et qui adaptait les proportions, les jeux de couleurs, les volumes et de l’autre coté une pièce fabriquée par l’ordinateur”.